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Chez Sylvania
8 mai 2014

Chapitre 2

Ils sont trois.
Un grand brun, cheveux ondulés attachés sur la nuque et visage avenant. T-shirt bleu passé avec des inscriptions plus sombres sur le devant, un jean gris râpé par endroits.
Presque aussi grand mais moins svelte, un autre brun. Cheveux coupés courts, des lunettes à fine monture. T-shirt blanc sans manche sur un bermuda noir, un gobelet en plastique à la main.
Le dernier est de taille moyenne. Châtain, soigneusement mal rasé, souriant. T-shirt rouge avec un petit cheval cabré noir et pantacourt de toile écrue.
Ils bavardent dans la bonne humeur, négligemment appuyés contre la table improvisée et les cartons. La matinée et le début d’après-midi ont été calmes, pas une visite depuis le déjeuner.
Alors qu’ils discutent de l’éventualité d’aller se réapprovisionner en sodas frais, un homme d’un certain âge s’approche d’eux, regarde distraitement les photos de voitures de course qui décorent le stand, avant de s’éloigner vers leur voisin dont la table s’orne d’un ballon de cuir ovale.
- Encore un amateur de rugby, grommelle Florian.
- Il n’y a pas foule chez les fans de Formule 1, approuve Yann. J’espérais un peu mieux que les trois curieux de ce matin qui voulaient juste un t-shirt Ferrari.
- La journée n’est pas finie.
- Mouais… Si ça se trouve, ils sont tous à la plage, à profiter du beau temps au lieu de s’enfermer dans cette salle bruyante et étouffante !
- La clim’ ne devrait pas être réparée, maintenant ? Ils ont dit quoi à la maintenance ?
- C’est Guillaume qui leur a parlé, fait Yann, attendant une réponse de son ami.
Mais le jeune homme semble perdu dans de profondes pensées, les yeux rivés sur les rares personnes qui passent dans l’allée.
- Hey, Guillaume ! l’interpelle Yann, haussant la voix.
- Hmm ? marmonne ce dernier sans se retourner.
- Tu fais quoi, là ?
Remontant ses lunettes qui ne cessent de glisser, Guillaume ignore la question de ses amis.
- Cette fille, remarque-t-il d’un air concentré. C’est au moins la dixième fois qu’elle passe devant le stand depuis le début de l’après-midi.
- Quelle fille ?
- La brune là-bas, sur la gauche.
Les deux garçons regardent dans la direction qu’il leur indique, mais la silhouette féminine a déjà disparu à un angle de l’allée. Florian hausse négligemment les épaules.
- C’est sans doute une exposante, comme nous.
- Je ne crois pas, non. Elle n’a pas de badge. À chaque passage, elle ralentit quand elle arrive à notre stand et elle jette un coup d’œil en coin comme si elle hésitait à nous approcher.
- Elle est mignonne, au moins ? le taquine Yann avec un sourire.
- Je n’ai pas fait attention, son comportement m’intrigue.
Amusés, Yann et Florian échangent un regard et commencent à échafauder des hypothèses toutes plus farfelues les unes que les autres expliquant le comportement étrange de cette fille. Un rendez-vous manqué, un attrait pour les stands désertés, la quête désespérée d’une kleptomane, une amnésie partielle, allez savoir !
Guillaume ne peut s’empêcher de rire.
Puis, une dizaine de minutes plus tard…
- Regardez, la revoilà !
- Où ça ?
- À côté du stand des héros de la glisse, la fille avec la jupe grise et le débardeur rose.
- La petite brune ? Celle qui fait des efforts pour ne pas regarder dans notre direction ?
- Oui, soupire Guillaume. Vous êtes encore moins discrets qu’elle !
S’accoudant à la table, Florian se penche comme pour attraper un papier.
- Elle est plutôt jolie.
- Elle s’approche. Regardez ailleurs, vite ! souffle Yann.
Faisant mine de fouiller dans un carton, il la regarde passer discrètement tandis que ses amis font de même, le premier lançant négligemment son gobelet en plastique dans la poubelle et le second regroupant les quelques papiers éparpillés sur la table.
Elle a l’air d’une fille normale avec sa tresse brune qui se balance dans son dos à chacun de ses pas. Mais Guillaume a raison, elle fait visiblement des efforts pour ne pas regarder trop ostensiblement dans leur direction. Pourquoi ne vient-elle pas leur parler s’ils sont la raison de sa présence ici ?
Sous leurs regards plus ou moins discrets, la jeune femme avance lentement, s’arrête presque devant le stand avant de s’éloigner précipitamment et disparaître une fois de plus à l’angle de l’allée.
- Curieux, commente Yann avec un laconisme qui lui ressemble peu.
- Attendez-moi ici, j’ai une idée ! s’écrie soudain Florian, se redressant avec un sourire en coin.
Et sans attendre, il quitte le stand dans la direction opposée.

Agacée par son comportement puéril, Nora avance d’un bon pas dans l’allée parallèle à leur stand. Elle ne va tout de même pas passer l’après-midi à arpenter le salon en les observant de loin ! À quoi bon avoir fait le déplacement, dans ce cas ?
Machinalement, ses pas la ramènent à quelques mètres d’eux. Une fois de plus, elle ralentit et s’arrête dans l’angle formé par deux stands, en partie dissimulée par une planche de surf appuyée contre une table.
Ils ne sont plus que deux, le grand brun a disparu. Fronçant les sourcils, elle se mordille inconsciemment la lèvre. Ils vont finir par se rendre compte de son manège.
Pourquoi n’ose-t-elle pas ? À l’idée de les aborder, sa gorge s’assèche et ses mains deviennent moites. Il y a trop de monde autour d’elle, la majeure partie de son énergie se concentre pour maîtriser la panique familière. Elle retient un soupir de contrariété.
Intérieurement, elle égrène un chapelet d’invectives peu aimables. Hors de question qu’elle reparte sans leur avoir parler ! Cette fois, elle va y aller.
Elle tente de calmer sa respiration quand une voix grave chuchote soudain à son oreille, la faisant sursauter.
- Vous savez, on ne mord pas.
Un cri assourdi lui échappe. Cette voix, elle la connaît.
Elle se retourne lentement et, sans surprise, se retrouve face au grand brun. Dans une main, il tient un sac en papier et il la regarde avec un sourire en coin.
- Salut, moi c’est Flo, ajoute-t-il en tendant sa main vide.
Sans réfléchir, elle lui serre la main.
- Euh… oui… je sais… balbutie-t-elle.
Son cerveau semble comme anesthésié.
- Donc, c’est bien nous que tu observes depuis tout à l’heure ? remarque-t-il en passant spontanément au tutoiement.
Gênée, Nora ne peut rien contre la rougeur qui envahit ses joues. Contrairement à ce qu’elle espérait, son comportement n’est pas passé inaperçu. Elle ne sait pas quoi dire, se contente d’acquiescer d’un signe de tête.
- Fan de F1 et du podcast ? questionne à nouveau Flo.
- Oui pour les deux, souffle-t-elle.
- Faut pas hésiter à venir nous voir, alors ! On n’attend que ça, rencontrer nos auditeurs.
Nora sourit. Comme s’il y avait une autre raison à sa présence au salon !
- Tu as peut-être envie de te promener un peu dans les allées, de voir ce que les autres podcasts proposent ? suggère malicieusement Flo
Le sourire de Nora s’élargit, elle retrouve sa voix.
- Non, il n’y en a qu’un qui m’intéresse.
- C’est ce qu’on a cru remarquer, fait Flo avec humour. Tu m’accompagnes ?
Et, devant l’hésitation de la jeune femme, il ajoute :
- Promis on ne mord pas… pas trop.
Le rire de Nora résonne comme des clochettes. La glace est brisée.

- Regardez sur qui je suis tombé, annonce Flo en arrivant au stand.
Les deux garçons tournent la tête dans un même mouvement, découvrant la jeune femme qui accompagne leur ami. Les yeux du châtain s’écarquillent, le visage du brun se fend d’un grand sourire chaleureux.
- Je vous présente une fan du podcast… Au fait, tu ne m’as pas dit ton nom, ajoute le jeune homme en se tournant vers elle.
- Nora, fait-elle en ignorant la boule de stress dans son ventre. Salut !
- Salut Nora, moi c’est Guillaume, se présente le brun en remontant ses lunettes d’un geste machinal. On se demandait combien de fois tu allais passer devant le stand avant de t’y arrêter.
Un rire nerveux s’étrangle dans la gorge de Nora tandis que ses jouent rosissent doucement.
- Et lui c’est Yann, poursuit Flo en désignant le châtain qui s’avance lentement.
- Nora… réfléchit ce dernier. La même Nora qui poste parfois sur le site et ne dit jamais un mot sur le tchat pendant les enregistrements ?
- C’est moi, répond-elle simplement, ignorant la chaleur qui s’accentue sur ses joues.
Yann lui tend la main. Elle la serre, étonnée du plaisir qu’elle ressent à l’idée qu’il fasse si vite le lien entre elle et son pseudo. Ses joues sont du même rouge que le t-shirt du jeune homme lorsqu’elle réalise qu’il prolonge le contact un peu plus que nécessaire.
- Vous voulez boire quelque chose de frais ? propose Flo, qui passe de l’autre côté de la table et sort des canettes de sodas du sac en papier qu’il a toujours à la main.
- Ça ne pouvait pas mieux tomber ! s’exclame Guillaume. Je suis en train de fondre avec cette chaleur. Tu préfères un Coca ou un jus de fruit, Nora ?
- Oh… euh… je ne veux pas déranger.
Guillaume éclate de rire.
- Déranger quoi ? demande-t-il avec humour en désignant le stand désert.
- Allez viens, approuve Flo. Tu ne vas pas rester debout dans l’allée alors qu’on meurt tous d’envie de te cuisiner sur les raisons qui font qu’une fille aime la F1 !
- Je ne suis pas la seule, proteste-elle en contournant à son tour la table.
- Non, mais vous êtes des créatures à part, pour nous autre ! Entre des extraterrestres venues d’une autre planète et la petite amie idéale, remarque Guillaume avec humour.
Nora rit à cette comparaison.
- Je t’en prie, assieds-toi, fait Yann en lui avançant un tabouret haut.
« Ils sont gentils, tous les trois », songe la jeune femme, acceptant un jus d’orange avant de s’asseoir. « J’étais bête de m’en faire une montagne. »
- Alors, depuis combien de temps tu connais le podcast ? interroge Guillaume, le premier à laisser libre cours à sa curiosité.
- Depuis quelques années, vous n’étiez encore que tous les deux à l’époque, explique Nora en jetant un coup d’œil vers Yann, à nouveau adossé dans le fond du stand. Je n’étais pas d’accord avec l’interprétation d’un incident de course entre deux pilotes et je cherchais des articles qui en parlaient sur internet. Je suis tombée sur le site de l’émission, je ne connaissais même pas le principe du podcast à l’époque. J’ai écouté et… et voilà.
- Et tu as été séduite par notre brillant esprit d’analyse !
Un rire de la jeune femme.
- Par votre humour, plutôt ! Les journalistes de F1 sont tous tellement sérieux. Vous, vous ne vous prenez pas au sérieux et pourtant, vous débattez réellement des péripéties de la course.
- Tu n’as pas été rebutée par les monologues de Yann ? demande à son tour Flo, taquin.
- Non, j’aime bien. Je n’ai jamais l’occasion de discuter des grands prix ou de l’actu de la F1, c’est vraiment sympa de vous écouter. Je me sens moins seule dans mon coin.
- C’est souvent un truc qui revient parmi les auditeurs, remarque Yann. C’est d’ailleurs ce qui nous a donné l’envie de lancer le podcast, parler de notre passion et trouver des personnes avec qui la partager. Mais toi, comment tu en es venue à aimer la F1 ?
- Mon grand-père était fan, c’est lui qui m’a initiée.
Elle pourrait donner des détails mais ne s’attarde pas. Le sujet est personnel.
- Qu’est-ce qui te plaît dans les courses ? insiste Guillaume, curieux. C’est quoi le point de vue d’une femme sur la F1 ?
Cherchant ses mots, Nora hausse négligemment les épaules.
- J’aime la même chose que vous… L’excitation et la maîtrise face au danger, à la vitesse… le mélange étonnant d’un sport d’équipe et de l’égo des pilotes… la complexité technique aussi… C’est difficile à résumer en quelques mots. Je ne crois pas que je vois les choses différemment parce que je suis une femme… à part que je suis sans doute plus sensible au charme des pilotes que vous !
Le rire des garçons salue sa remarque.
- C’est vrai que physiquement, je préfère les copines des pilotes, approuve Guillaume en riant.
- Et tu as un favori ? Pilote ou équipe, précise Flo.
- J’en ai eu, mais ça varie souvent en fonction des saisons, des courses.
- Tu es là à chaque enregistrement en direct, remarque à nouveau Yann, pourtant tu ne participes jamais. Pourquoi ?
Un peu gênée par cette question directe, Nora se tortille sur le tabouret, changeant de position.
- Je n’aime pas beaucoup les discussions de groupe, ça part souvent dans tous les sens sur le tchat, avec plusieurs sujets en parallèle. C’est difficile de s’y retrouver. Je préfère vous écouter et juste garder un œil sur les commentaires.
- C’est vrai que des fois c’est chaud pour suivre.
- Je ne sais pas comment vous faites pour ne pas perdre le fil de l’émission, avec d’un côté le débat sur la course ou l’actu et de l’autre les questions sur le tchat.
- Si tu savais, des fois on discute entre nous sur Skype en même temps, révèle Flo avec un sourire amusé.
- Surtout quand Yann commence à chanter les louanges de Ferrari, en général il y en a pour un moment !
Éclat de rire général.
- Et sinon, qu’est-ce que tu as pensé de la dernière course ? demande encore Guillaume. Et de la première moitié du championnat ?
Vaste sujet !
Remontant les jambes, Nora pose les pieds sur la barre du tabouret et, le menton appuyé dans les mains et les coudes sur les genoux, revisite le début de saison en compagnie des garçons. Nervosité, timidité, tout est oublié.

 

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2 septembre 2014

Hans Zimmer - Lost but Won

Hans Zimmer     Lost but Won

sorti en 2013
Album : Rush - original motion picture soundtrack

 

Parce que j'ai  enfin regardé le film  Rush ce week-end.
Parce qu'il y a des musiques qui vous embarquent... Les yeux fermés, elles vous possèdent et vous font vibrer de l'intérieur. Elles touchent votre âme, réveillent des désirs inassouvis... Et vous vous fondez en elles.
Même sans le film. Même sans l'histoire.

 

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12 décembre 2013

Francis Lai - Love Story Thème

Francis Lai     Love Story Thème

sorti en 1970
Album : bande originale de Love Story

 

Même pour une personne ne connaissant pas Love Story, grand classique du cinéma romantique, ce morceau ne peut laisser complètement indifférent, mêlant l'exubérance de la jeunesse, du premier grand amour, à la souffrance d'une fin prématurée.
Souvenirs de larmes devant le petit écran...

 

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29 décembre 2013

Joe Esposito - Lady, lady, lady

Joe Esposito     Lady, lady, lady

sorti en 1983
Album : BO de Flashdance

 

Paroles

Frightened by a dream, you're not the only one
Running like the wind, thoughts can come undone
Dancing behind masks, just sort of pantomime
But images reveal whatever lonely hearts can hide

Lady, lady, lady, lady, don't walk this lonely avenue
Lady, lady, lady, lady, let me touch that part of you, you want me to
Lady, lady, lady, lady, I know it's in your heart to stay
Lady, lady, lady, lady, when will I ever hear you say, I love you

Time like silent stares, with no apology
Move towards the stars, and be my only one
Reach into the light, and feel love's gravity
That pulls you to my side, where you should always be

Lady, lady, lady, lady, don't walk this lonely avenue
Lady, lady, lady, lady, let me touch that part of you, you want me to

[Solo]

Lady, lady, lady, lady, I know it's in your heart to stay
Lady, lady, lady, lady...    [to fade]

 

Curieux comme parfois, une musique peut vous faire pleurer alors qu'elle illustre une histoire d'amour qui se termine bien...

 

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6 mai 2014

Nora

Allongée sur le canapé, la joue dans le creux de ses bras repliés, Nora attend. Une mèche brune glisse sur son visage, vient lui chatouiller les lèvres. Machinalement, elle souffle dessus pour la repousser.
Ses yeux ne quittent pas l’écran de l’ordinateur posé sur la table basse. Comme d’habitude, ils ont du retard. Un énième problème technique. À moins que l’un d’entre eux ne soit simplement en retard. C’est si fréquent.
Sur le tchat, les habitués impatients se taquinent, anticipant le débat. Nora sourit lorsque le message de l’un des animateurs s’affiche. Bonsoir tout le monde ! Désolé pour le retard, souci de connexion. On va bientôt commencer.
Fermant les yeux, Nora s’étire langoureusement sur le canapé. Cette soirée est son petit plaisir personnel. Curieux comme elle se sent toujours fébrile dans les dernières minutes d’attente.
Le générique de l’émission retentit soudain, brisant le silence. Des accords de guitare auxquels se mêle le grondement des moteurs.
Comme mue par un ressort, Nora se redresse, un frisson d’excitation parcourant son corps. Elle tend la main et pose l’ordinateur sur ses genoux, se rapprochant de l’écran. Se rapprochant d’eux à travers l’écran.
Les dernières notes de musique vibrent dans les haut-parleurs et la voix de l’un des animateurs prend le relais.
« Bonsoir à tous et bienvenue pour cette nouvelle émission qui va revenir sur le grand prix d’Allemagne qui a eu lieu ce week-end sur le circuit du Nürburgring. Pour m’accompagner ce soir, mon complice depuis plusieurs années, qui a promis de ne pas chanter l’hymne allemand en l’honneur de la victoire de… »
Un éclat de rire se mêle à la voix de l’animateur. Un sourire ravi étire les lèvres de Nora. « Génial, il est là », songe-t-elle.
Ils sont sept dans l’équipe. Six garçons et une fille, tous entre vingt-cinq et trente-cinq ans. Des passionnés qui se relaient une fois par semaine pour décortiquer avec humour les courses et l’actualité du monde de la Formule 1.
C’est par hasard que Nora a découvert l’émission, au gré de ses recherches sur internet. Tout de suite séduite par le ton décalé qui n’empêche nullement le sérieux des informations, elle est rapidement devenue une auditrice régulière du podcast.
Depuis ses débuts, le concept a un peu évolué. L’équipe de départ - Yann et Guillaume, deux amis de longue date – s’est enrichie de nouveaux venus dispersés aux quatre coins de la France et jusqu’en Belgique. Des auditeurs ont été invités à participer à certaines émissions et, depuis le début de l’année, l’enregistrement se fait en direct avec un tchat interactif qui permet aux internautes de participer aux débats parfois passionnés.
Réservée de nature et peu à l’aise lors des discussions de groupe, aussi bien par écrit via internet qu’à l’oral, Nora se contente généralement d’un petit message pour saluer les autres auditeurs à son arrivée sur le tchat. Par contre, de temps à autre, elle n’hésite pas à faire part de ses commentaires à la suite des articles publiés sur le site de l’émission – en tête-à-tête avec son écran, c’est plus facile pour elle.
Au fil des mois et des émissions, elle a appris à connaître chacun des intervenants. Leurs voix d’abord, puis leurs caractères. Le sérieux de Guillaume, surtout dans ses hors-sujets Le rire communicatif et la mauvaise foi irrésistible de Yann. Les calembours et l’ironie de Florian. Les connaissances techniques de Marco et son talent insolite pour la chanson. L’imagination fertile et l’enthousiasme d’Hugo. Les analyses pertinentes de Benjamin saupoudrées d’une pointe d’accent belge. La vision rafraîchissante mais si juste de Jessica.
Des amateurs dans les deux sens du terme, aussi bien par leur statut bénévole que par leur goût, leur attirance pour ce sport. Et à les écouter rire, plaisanter, débattre, se passionner, Nora se sent proche d’eux. Un peu comme des amis qu’elle retrouverait avec plaisir une fois par semaine pour partager leur bonne humeur. Elle a bien conscience que cette familiarité est à sens unique, sa discrétion jouant contre elle, mais lorsque le générique retentit dans le silence de son salon, elle se sent moins seule.

Comme à chaque fois, les deux à trois heures d’enregistrement passent en un clin d’œil, entrecoupées de fous rire. Guillaume en est au moment du rappel de l’adresse internet de leurs partenaires et Nora se réjouit déjà de l’after qui va suivre – lorsque chacun se lâche vraiment.
« - On arrive à la fin de cette émission. Je vous rappelle que vous pouvez nous retrouver sur iTunes, sur Facebook et sur Twitter, avec les liens vers nos comptes personnels directement sur la page d’accueil du site. J’ai tout dit ?
- Non, tu oublies un truc, lui répond Yann.
- Ah oui, tu avais une annonce à faire.
- Ouaip ! fait-il avec bonne humeur. Du huit au onze août prochain, un salon du podcast amateur va se tenir au Futuroscope, près de Poitiers pour ceux qui connaissent. On y sera les quatre jours et…
- Euh, pas tous, hein, l’interrompt Benjamin. Ça fait un peu loin pour moi. Ou alors tu me paies le voyage, Yann !
- Ben tiens, comme si j’en avais les moyens ! Donc on y sera presque tous, et on espère bien que vous viendrez nous voir.
- Et n’hésitez pas à nous apporter du café, des trucs à manger ou des petits cadeaux, intervient à son tour Marco. On n’est pas difficiles.
- Parle pour toi ! »
Marco éclate de rire tandis que Guillaume reprend le fil de la fin de l’émission.
Sur le canapé, Nora se fige, son cerveau réfléchissant à toute vitesse. Poitiers n’est qu’à une cinquantaine de kilomètres de chez elle. Peut-être pourrait-elle…
Non, jamais elle n’osera !
Pourtant, l’idée de mettre un visage sur ces voix qu’elle connait si bien la tente étrangement. Les rencontrer en vrai, discuter avec eux peut-être. Elle frémit d’anticipation. Se rendre au salon ne lui poserait pas de problème, elle a l’habitude de parcourir du chemin au volant de sa petite Fiat. Mais les aborder… c’est une autre histoire.
Elle a un mois pour se décider, se motiver ou freiner son imagination galopante, au choix.
Le générique de l’émission retentit à nouveau. Zut, elle a raté la fin de l’enregistrement du podcast.
Repoussant les idées folles qui tourbillonnent dans sa tête, elle se réinstalle confortablement sur le canapé, posant l’ordinateur à côté d’elle pour écouter l’after. Un miaulement la tire de sa rêverie, la ramenant à la réalité. Elle sourit comme Shadow, son chat noir aux yeux si verts, son chat de sorcière comme elle aime l’appeler, grimpe sur ses genoux pour s’y blottir en ronronnant.
La soirée ne fait que commencer.

 

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29 mai 2014

Un simple baiser

J’ai rêvé d’un baiser…

Quelques secondes de bonheur illusoire.  De sensations oubliées.
Des doigts qui s’attardent sur ma peau, réveillant le désir et le manque. Un souffle chaud qui caresse mon visage, exacerbant l’attente. Le ventre qui se noue et le cœur qui s’affole, qui cherche à s’échapper de ma poitrine.
Peau contre peau, la pression d’une bouche ferme sur la mienne. Le goût de l’autre sur ma langue. Mmmm…
Un baiser, rien qu’un simple baiser.
Sans avant ni après.
La rencontre éphémère de deux désirs qui transforme le sang dans mes veines en lave brûlante.
Avant un réveil brutal, seule entre mes draps soudain glacés.

Soupir de regret mêlé de frustration.
L’envie tenace de replonger dans le sommeil, de rattraper ce rêve fragile… de revivre cet instant et découvrir ce qui viendra après, peut-être.
Fantasme doux-amer.

 

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20 octobre 2012

Je suis...

Je suis douleur, je suis souffrance
Je suis passion et compassion
Je suis une éternité éphémère
Je suis une bulle irisée voguant au gré des courants
Je suis le souffle du vent, l'écume des vagues

Je suis mélodie, je suis vibration
Je suis un regard perdu
Je suis un instant fragile
Je suis aussi immatérielle qu'une pensée
Je suis des notes de musique, des mots jetés sur une page

Je suis nostalgie, je suis mélancolie
Je suis un battement de cœur
Je suis la course du sang dans mes veines
Je suis la chaleur d'une peau sur la mienne
Je suis un souvenir oublié, un espoir déçu

Je suis inspiration, je suis émotion
Je suis irréelle, intemporelle
Je suis ce que je ne suis pas
Je suis le monde et personne à la fois
Je suis l'univers emprisonné dans une larme

Je suis...

Poème inspiré par ce morceau de Muse, écouté toutes lumières éteintes au milieu de la nuit, de mes nuits

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25 août 2013

GP de Belgique 2013

Un seul commentaire à faire, LE meilleur GP de la saison parce que pas seule à m'enthousiasmer devant le poste de télévision !

Et puis en même temps, c'est une chance ! lol

 

Résumé de la course et classement final sur Fan-F1.com
Belgique - Course : Vettel en maître à Spa !

 

GP de Hongrie 2013                         Sommaire                         GP d'Italie 2013

 

8 septembre 2013

GP d'Italie 2013

Dernier GP européen de la saison 2013...

Je retiendrai surtout :
-> Alonso sur le podium devant un public de tifosis
-> les derniers tours qui ont fait grimper ma tension en priant pour que la boîte de vitesse de mon australien ne le lâche pas
-> Nico Hülkenberg qui fait des merveilles
-> la malchance de JEV (une fois de plus)
-> quelques beaux dépassements - Alonso/Webber un régal pour mes yeux, mais pas qu'eux (oui, oui, aussi Lewis...)
-> et les huées de la foule pour Seb, ce qui me chagrine de plus en plus à chaque course

 

Résumé de la course et classement final sur Fan-F1.com
Italie - Course : Vettel de la tête et des épaules

 

GP de Belgique 2013                    Sommaire                    GP de Singapour 2013

 

11 février 2014

Queen - Who Wants To Live Forever

Queen     Who Wants To Live Forever

sorti en 1986
Album : A Kind of Magic

 
Paroles

There's no time for us
There's no place for us
What is this thing that builds our dreams yet slips away from us

Who wants to live forever?
Who wants to live forever?

There's no chance for us
It's all decided for us
This world has only one sweet moment set aside for us

Who wants to live forever?
Who wants to live forever?

Who dares to love forever?
When love must die

But touch my tears with your lips
Touch my world with your fingertips
And we can have forever
And we can love forever
Forever is our today
Who wants to live forever?
Who wants to live forever?
Forever is our today

Who wants to live forever?
Who wants to live forever?
Forever is our today

Who waits forever anyway?

 

Aaaah, la magie de la voix de Freddie Mercury !
Superbe chanson découverte dans le film  
Highlander, combien de fois a-t-elle tourné sur ma chaîne à l'adolescence - et depuis... J'ai encore les poils qui se hérissent quand je l'entends.

 

Sommaire

 

19 mars 2014

Rien n'est immuable, le changement est l'essence

Rien n'est immuable, le changement est l'essence même de la vie.
Si l'on ne sait pas apprécier ce que l'on a au moment même où on l'a, alors on risque de passer notre vie à soupirer après le passé. Regrets d'autant plus ironiques que l'on a pas été capable d'apprécier ces mêmes moments au présent puisque l'on regrettait alors d'autres instants passés...

 

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12 décembre 2013

Bewildering world

Mais dans quel monde vivons-nous ?
Hier, j’ai appris que pour une maman, se préoccuper du bien-être moral de son enfant était considéré par la justice comme un acte abusif. Je suis donc censée rester de marbre et ignorer les crises de larmes, les crises d’angoisse, les peurs ou les désirs de ma fille sous prétexte que ce ne sont que des caprices de l’adolescence.
Comment un juge aux affaires familiales, une personne qui a fait des années d’études, que l’on suppose donc intelligente et concernée par les problèmes familiaux, peut-il tenir un tel discours ?
Suis-je à ce point naïve et vieux jeu pour penser ne serait-ce qu’un instant qu’une maman – un parent – doit penser avant tout au bonheur de son enfant ? En quoi le fait de tenter de répondre à ses attentes, de vouloir faire de lui un adulte équilibré, est-il considéré comme une faiblesse ? La souffrance, le mal-être d’un enfant, d’un adolescent ne méritent-t-ils donc aucune considération ?
Je n’ai jamais prétendu être une mère parfaite. Comme tout un chacun, je commets des erreurs dans mon rôle de parent – qui n’en fait pas ? Mais je ne pensais pas qu’un jour, on me reprocherait de me soucier du bien-être moral de ma fille…
Et pourquoi, dans ce cas, n’adresse-t-on pas les mêmes reproches à son père ? Pourquoi lui bénéficie-t-il de l’indulgence générale ? Il y a quelque chose qui m’échappe dans le fonctionnement de notre justice, dans la manière de penser de notre société « moderne ».

Depuis l’audience au tribunal, le père de ma fille a donc obtenu légalement l’approbation de tous pour continuer à « opprimer » sa fille, fondée sur sa bonne foi apparente devant le juge, alors qu’il n’en est rien dans la réalité.
Pourquoi se gênerait-il à l’avenir pour lui imposer ses désirs, sa conception de la vie, sans tenir compte de ce qu’elle est, de ce qu’elle pense, puisqu’un juge a déclaré qu’il ne s’agissait que de caprices ?
Ne voit-il donc pas qu’elle est mal dans sa peau actuellement ? Qu’elle souffre ? Qu’elle se rend physiquement malade à chacune de ses visites chez lui ? Est-il aveugle à ce point ? Ou préfère-t-il faire comme si son attitude agressive avec lui n’était que le résultat de son entrée dans l’adolescence sans en chercher les causes ? Ou en rejetant toute la responsabilité de son comportement sur moi ?

C’est ubuesque comme situation.
Je souffre devant le malaise de ma fille, devant les reproches que l’on m’adresse, je culpabilise devant mon impuissance à améliorer les choses, à l’idée de ma responsabilité éventuelle… et une fois de plus, lui s’en tire sans la moindre égratignure, auréolé d’une légitimité et d’une innocence qu’il ne mérite pas, qu’il n’a jamais méritées.
Le monde est ainsi fait. On porte aux nues les manipulateurs, les flatteurs, ceux qui savent enrober une fausse réalité de semi-vérités pour en faire un discours évident auquel on ne peut qu’adhérer. Mais qui se soucie de ce qui se dissimule derrière cette apparence ?
Les victimes ne sont pas écoutées, elles sont méprisées, leurs droits à être entendues bafoués.
L’adage qui dit que l’on finit tous pas payer nos fautes n’est qu’un vil mensonge. Pourquoi en suis-je encore surprise ?

 

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10 mai 2015

Coucher de soleil

Sujet imposé

 

Le soleil descendait lentement vers l’horizon.
Après avoir crevé l’épaisse couverture nuageuse qui avait persisté tout au long de la journée, ses rayons avaient soudainement embrasé le ciel, recouvrant la surface mouvante de la mer d’une multitude d’étincelles flamboyantes.
Assis sur l’un des rochers qui couronnaient la falaise, Jacob contemplait la beauté de ce coucher de soleil.
Ce lieu était l’un de ses préférés. Somptueux. À couper le souffle.
À cet endroit, la falaise s’avançait dans la mer, la dominant d’une dizaine de mètres comme pour lui tenir tête. Battue par les vagues qui se brisaient contre la paroi rocheuse, elle résistait, immuable face au temps.
C’était là qu’il faisait invariablement une pause au cours de son jogging quotidien sur le sentier de la côte, respirant l’odeur salée des embruns, se ressourçant au contact de la nature sauvage. C’était là qu’il s’asseyait pour réfléchir à son avenir, ses études interrompues, ses stages difficiles, son changement d’orientation professionnelle. C’était là qu’il avait emmené Line lors de leur premier rendez-vous, après le dîner au restaurant, pour admirer les étoiles, bercés par le murmure des vagues. C’était là qu’il l’avait demandée en mariage lors d’un pique-nique arrosé de champagne, sous un coucher de soleil si semblable à celui de ce soir. Et c’était là qu’elle lui avait annoncé qu’il allait bientôt être papa, quelques huit mois plus tôt.
Souvenirs inoubliables de moments uniques, à jamais gravés dans son cœur.
Jacob ferma les yeux un court instant. Le cri des mouettes au loin. Le souffle du vent dans ses cheveux. La chaleur des derniers rayons du soleil sur sa peau.
Lorsqu’il les rouvrit, l’astre lumineux avait entamé sa plongée dans l’océan.

Ses pensées remontèrent le fil du temps, s’arrêtant à ce récent mardi matin où Line l’avait réveillé à l’aube, les mains crispées sur son ventre arrondi. Douloureuses contractions qui annonçaient la venue du bébé.
Tout était prêt depuis plusieurs jours déjà. Dominant tant bien que mal la panique qui l’avait envahi devant la souffrance évidente de la femme qu’il aimait plus que tout au monde, il avait saisi le sac de voyage posé dans un coin de la chambre, cherché follement ses clefs avant de les retrouver accrochées à leur emplacement habituel, sorti la voiture du garage. Le trajet jusqu’à la maternité se perdait dans les brumes de son cerveau, de même que le discours pourtant réconfortant de l’infirmière d’accueil.
L’accouchement s’était éternisé, comme souvent pour une première naissance.
Visites régulières du médecin qui surveillait l’avancée du travail. « Ne vous inquiétez pas, tout progresse normalement… »
Cette phrase répétée jusqu’à satiété.
Le service bruissait d’activités. Ils avaient discuté pour passer le temps entre les contractions qui se rapprochaient lentement. Taquineries sur le prénom du bébé qu’ils n’arrivaient pas à choisir. Grégoire ou Arthur ? Enzo ou Liam ? Le sourire rassurant de la sage-femme tandis qu’elle leur faisait écouter les battements de cœur de leur futur héros. Line qui l’encourageait à aller chercher un sandwich à la cafétéria, « Promis je t’attends pour accoucher… »
Son sourire taquin lorsqu’il avait finalement cédé, la faim plus forte que sa résistance, son désir de rester près d’elle. Le baiser déposé dans la paume de sa main comme un joyau précieux. Hamburger et frites avalés à la va-vite sur un coin de table avant de remonter à la maternité.
L’atmosphère qui avait changé en son absence, un début d’affolement remplaçant l’attente sereine de la journée. Que s’était-il passé ?
Quelques mots au milieu des conversations médicales inquiètes. Rythme cardiaque trop faible. Détresse fœtale. Éventualité d’une césarienne. Procédure d’urgence. La sage-femme avait précipitamment quitté la chambre. Les cris dans le couloir.
La peur dans les yeux de Line.
Si vite que tout se mélangeait dans sa tête. Salle d’opération, casaque stérile pour lui, sa main serrée autour de celle de Line. Ces mots chuchotés comme un leitmotiv, « Ça va bien se passer, ça va bien se passer, ça va bien se passer… » Le sang qui avait giclé et les alarmes qui résonnaient. La voix tendue du médecin qui donnait des ordres. L’infirmière qui avait laissé échapper un « Oh mon dieu, il a le cordon enroulé autour du cou ! »
Le silence à la naissance de leur fils, le plus terrible des sons quand on guette le premier cri, les premières pleurs.
Tout ce monde qui s’activait autour d’eux. Autour du bébé. Pendant ce qui lui avait paru des heures. Dans l’attente.
Et le regard du médecin lorsqu’il avait enfin relevé la tête.
- Je suis navré, nous n’avons rien pu faire.
Les mots qui se noyaient dans un brouillard. Accident. Très rare. Les larmes de Line lorsqu’elle avait tenu leur fils dans ses bras. Mort avant d’avoir vécu.

On les avait changés de chambre, pour leur épargner la proximité de la nursery. Ils s’étaient retrouvé seuls avec leur douleur, leur incompréhension. Leur révolte face à la cruauté de la vie qui venait de leur voler leur fils, leur bonheur.
Pourquoi ? Pourquoi eux ?
Épuisée par l’accouchement et le chagrin, Line avait fini par s’endormir, les joues humides de larmes. Debout devant la fenêtre, Jacob avait passé la nuit à contempler les étoiles sans les voir, incapable de trouver le sommeil. Enfermé dans sa propre souffrance.
Seuls les mots de Line avaient réussi à l’atteindre dans cet état de prostration dans lequel il se trouvait, « Chéri, je ne me sens pas bien… »
Cette voix rauque. Ses joues rouges lorsqu’il s’était tourné vers elle, ses yeux trop brillants. Son front brûlant sous ses doigts.
Cédant à l’affolement, Jacob s’était précipité dans le couloir, interpelant la première infirmière qu’il avait croisée. Rapidement, la chambre avait été envahie par toute l’équipe médicale. Prise de sang, examens divers dont il n’avait pas retenu le nom. On l’avait prié de s’éloigner, il avait refusé.
La journée n’avait été qu’une longue succession d’hypothèses, de traitements. D’espoirs déçus. L’état de Line s’était aggravé d’heure en heure. Une infection virulente au nom tellement compliqué que même les médecins semblaient s’emmêler la langue en le prononçant.

Le vent était tombé, se réduisant à une douce brise tiède. Le bruit des vagues se brisant sur les rochers en bas de la falaise s’était peu à peu imposé à son esprit, le ramenant vers l’instant présent. Le soleil avait fini de se noyer dans l’océan, ne restaient que quelques éclats flamboyants dans l’indigo du ciel.
Il avait marché sans savoir où il allait lorsqu’il avait enfin quitté l’hôpital. Presque trois jours sans quitter le bâtiment, le service de la maternité. Sans dormir, sans changer de vêtements. Sans même prendre une douche. Se nourrissant sans conviction de ce que les infirmières lui avaient mis dans les mains, sans même se soucier de savoir ce que c’était.
Trois journées au cours desquelles il avait l’impression d’avoir vieilli d’une centaine d’années au moins.
Ne pas oser s’éloigner de peur de perdre le moindre moment passé avec Line. De peur que ce soit le dernier. Se raccrocher à la moindre lueur d’espoir pour ne pas s’effondrer devant l’inéluctable. Rejeter en bloc les conclusions des médecins. « Elle va vivre, il ne peut en être autrement, je l’aime tant… »
Prières insensées, la main de Line dans les siennes, son front posé contre sa peau moite.
Et les mots du médecin. Durs, cruels.
- Nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir. Malheureusement votre femme ne répond à aucun des traitements que nous lui avons administrés. L’infection s’étend à présent à tous ses organes, ce n’est plus qu’une question d’heures avant que… de minutes peut-être. Vous devriez lui dire au revoir tant qu’elle est encore consciente.
L’alarme qui avait retenti au même instant, vrillant ses tympans en même temps qu’elle annihilait ses derniers espoirs.
Tentatives futiles de réanimation. Le cri muet qui l’avait déchiré. Les lumières agressives, les sons lancinants. Le silence, soudain. « Heure du décès, dix-neuf heures trente-deux… »

Frissonnant dans la chaleur de cette soirée d’été, Jacob se remit maladroitement debout.
Son corps était épuisé, son âme meurtrie, comme amputée d’une part essentielle. Quelques jours avaient suffi pour le faire basculer. Du bonheur le plus parfait au désespoir le plus sombre.
Des cailloux roulèrent sous ses pieds comme il fit quelques pas. S’éloignant des rochers. Se rapprochant du bord de la falaise.
Les étoiles commençaient à piqueter le ciel de leur lueur froide, comme autant de diamants sur une soie bleu nuit. Juste en dessous, la surface de la mer ondulait sous l’effet de la marée montante, bordée d’une écume à la blancheur spectrale.
Jacob se pencha pour tenter d’apercevoir les rochers, leur dentelle sombre et humide au pied de la falaise. L’odeur des algues qui remontait vers lui.
Un pas, juste un pas et tout serait terminé.

C’est un pêcheur qui découvrit son corps le lendemain matin.
Brisé sur les rochers.

 

Sujet imposé : Écrire un texte qui se termine « mal ».

 

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9 août 2014

Saloperie d'étincelle !

« Sometimes I wonder...
... why I keep going on »

Non, pas de « sometimes I wonder » ! Plus de « sometimes I wonder » !
C’est fini, j’ai volontairement claqué la porte, étouffé mes regrets et mes désillusions, tourné le dos à l’indifférence.
Aujourd’hui je continue parce que j’en ai besoin, parce qu’écrire est ce qui me tient en vie. Parce que sans les mots couchés sur mon écran je ne suis rien, je n’existe plus. Parce qu’au bord du silence se tient un peut-être. Parce que l’espoir se meurt mais renaît toujours de ses cendres, tel un phénix.
J’ai fait mon deuil de beaucoup de ce en quoi je croyais.
Aujourd’hui je n’ai nulle envie de me justifier. Pourtant me voilà, à crier mes états d’âme sur la toile anonyme. À les crier silencieusement et sans le moindre espoir d’être entendue. Parce que je ne crois plus, à rien ni à personne pour me sauver de moi-même.

Depuis quelques jours, j’écoute en boucle des albums qui ont accompagné mon adolescence.
Pourquoi est-ce que je me retrouve encore en eux malgré les années ? J’ai changé, les aléas de la vie m’ont façonnée... pourtant au fond je suis restée la même et c’est effrayant quand on y songe.
Si fragile qu’un mot peut me briser. Désemparée face à un monde qui ne me ressemble pas, dans lequel je ne peux trouver ma place. Toujours en quête d’absolu. Aussi insaisissable que du vif-argent. Une sensibilité exacerbée, des émotions toujours à fleur de peau. Avec la souffrance comme noyau de mon être.
Je suis Moi. Et aujourd’hui je sais que je ne peux changer cela. Que je ne veux changer cela...
S’accepter soi-même tel que l’on est est un apprentissage difficile.

Et je rêve...
De ces rêves qui vous font miroiter une réalité idéalisée, à jamais hors d’atteinte. Une réalité qui existe pourtant, pour d’autres. Ce manque, toujours le même.
Et j’ai peur...
Peur de ce que je suis, peur de cet avenir sombre qui m’attend. Peur de cette obscurité et de cette déraison qui font intimement partie de moi. Peur de subir ma vie sans la vivre, peur de ne plus savoir la vivre.
Parce que j’ai conscience de ne pas être en phase avec ce qui m’entoure. Parce qu’un beaucoup pour moi est infime pour les autres. Parce que je ne sais plus appréhender la réalité des relations humaines à l’aune de ce que je suis. Parce que je mélange tout et que je m’y perds.
Parce qu’il n’y a plus rien à attendre, à espérer. Et que malgré toutes mes belles théories et ma conviction profonde, je ne peux éteindre cette minuscule flamme qui me brûle de l’intérieur.

Saloperie d’étincelle !

 

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4 mai 2012

Il est des personnes dont le contact vous

Il est des personnes dont le contact vous illumine tel un rayon de soleil. Non seulement elles vous font voir le meilleur de vous-même, mais elles vous donnent la force de croire en vos rêves.
Malheureusement, il existe également des personnes qui leur sont en tout point opposées.
Non content de vous tirer vers le bas, ces dernières sapent votre énergie, fragilisent vos fondations, fragmentent vos rêves en milliers de morceaux impossibles à recoller...

 

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21 avril 2013

GP de Bahreïn 2013

On prend les mêmes que l'année dernière et on recommence ? lol

Rien à redire sur le podium, Seb domine de bout en bout, une belle 2ème place méritée pour Kimi et un magnifique résultat pour Romain qui en avait bien besoin pour son moral !
Derrière, les Force India m'impressionnent de plus en plus en ce début de saison, dimanche noir à oublier chez Ferrari, les Mercedes font de la résistance tant bien que mal et le comportement de Pérez m'inquiète tout en mettant de l'animation en milieu de peloton...
Beaucoup plus loin, déçue par l'abandon de JEV qui joue de malchance et Charles Pic relève la tête en terminant pour la 1ère fois devant Jules Bianchi.

Un petit mot sur mon australien qui termine son 200ème GP à la 7ème place...
Première moitié de course prometteuse, belle remontée et cœur qui bat à 300 à l'heure devant mon écran... Plus cruelle est la désillusion de la seconde moitié de course et du dernier tour...
*soupir de la fan inconditionnelle*

 

Résumé de la course et classement final sur Fan-F1.com
Bahreïn - Course : Vettel l'emporte au terme d'une course animée

 

GP de Chine 2013                         Sommaire                         GP d'Espagne 2013

 

29 décembre 2013

Patrick Swayze - She's like the Wind

Patrick Swayze     She's like the Wind

sorti en 1987
Album : BO de Dirty Dancing

 

Paroles

She's like the wind through my tree
She rides the night next to me
She leads me through moonlight
Only to burn me with the sun
She's taken my heart
But she doesn't know what she's done

Feel her breath on my face
Her body close to me
Can't look in her eyes
She's out of my league
Just a fool to believe
I have anything she needs
She's like the wind

I look in the mirror and all I see
Is a young old man with only a dream
Am I just fooling myself
That she'll stop the pain
Living without her
I'd go insane

Feel her breath on my face
Her body close to me
Can't look in her eyes
She's out of my league
Just a fool to believe
I have anything she needs
She's like the wind

Feel your breath on my face
Your body close to me
Can't look in your eyes
You're out of my league
Just a fool to believe
(Just a fool to believe)
She's like the wind
(Just a fool to believe)
Just a fool to believe
(She's like the wind)
Just a fool to believe
(Just a fool to believe)
She's like the wind
(Just a fool to believe)
Just a fool to believe
She's like the wind

(Just a fool...)
(She's like the wind)
(She's like the wind)
(Just a fool...)
(She's like the wind)
(Just a fool...)

 

Cette chanson me ramène irrésistiblement à l'époque où j'ai découvert le film Dirty Dancing, les émotions que j'ai ressenties, l'envie de connaître ces premiers émois amoureux et mes rêves encore intacts.

 

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2 février 2014

Coquille vide

Un matin vous vous réveillez et vous réalisez que vous n’êtes rien. Que votre existence se limite à quelques mots jetés comme un appel au secours sur l’écran de votre ordinateur. Et vous vous demandez pourquoi vous continuez, pourquoi vous persistez à tenter d’exister.
Pourquoi êtes-vous encore là ?
Par habitude, par lâcheté aussi… Pour votre fille, parce qu’elle seule a encore besoin de vous… Parce que vous avez peur de ne pas réussir votre sortie, aussi…
Alors vous continuez, vous faites semblant, vous dissimulez votre fragilité et vos doutes derrière une apparence, comme un acteur se coule dans un rôle. Personne ne devine les larmes qui se cachent derrière les sourires, l’angoisse qui vous oppresse derrière le masque de sérénité, la souffrance et l’absence derrière la présence rassurante et attentive.
Et les murs de la prison se referment, se resserrent inexorablement. Vous étouffez, vous agonisez… mais plus personne ne peut voir à travers les murs qui vous entourent.
Au début vous vous débattez, vous tentez de trouver une issue, une lueur d’espoir. Puis vous vous inclinez et vous laissez les ténèbres vous engloutir. Il n’y a plus rien. Vous n’êtes plus rien.
Une coquille vide.
Une apparence que le moindre souffle pourrait disperser.
Et vous priez silencieusement pour que ce souffle d’air vienne mettre fin à votre non-existence. En vain. Comme toujours. Comme tout le reste.

 

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7 février 2014

Kissing a dream...

Je me tenais devant la porte fermée, le cœur battant.
Les mains moites, j’attendais que le couloir se vide, me demandant une fois de plus quelle folie m’avait amenée à cet endroit précis. Autour de moi, le bruit des conversations s’estompa. Bientôt, je n’entendis plus que les battements sourds de mon cœur. Avais-je perdu l’esprit ?
Poussée par quelque démon qui devait se réjouir de mes tourments intérieurs, je levai la main et frappai plusieurs coups peu assurés contre le battant de bois, espérant vaguement que personne ne vienne répondre.
Une éternité sembla s’écouler, je respirai plus librement alors que mon appréhension s’estompait devant l’évidence : il n’y avait personne.
Alors que je m’apprêtais à regagner la sécurité de ma chambre, la porte s’ouvrit soudain et il se tint devant moi, me dominant de sa grande taille, une interrogation polie dans les yeux.
- Yes ?
Le souffle court, j’oubliai instantanément le discours que j’avais pourtant soigneusement préparé. Une panique familière m’envahit et je maudis le brusque accès de courage qui m’avait conduite dans ce couloir.
Une pensée traversa mon esprit tétanisé, je n’avais rien à perdre à vivre cette folie jusqu’au bout.
- Pouvons-nous discuter quelques instants ? m’entendis-je lui demander en anglais.
Visiblement surpris par la requête inattendue de cette inconnue, il ouvrit néanmoins sa porte et m’invita à entrer.
Je m’avançai dans la chambre d’hôtel, remarquant à peine la douceur de l’épaisse moquette grise, la sobriété du mobilier de bois sombre, la valise entrouverte posée sur le pied du lit.
D’une politesse exquise teintée d’un soupçon de curiosité, il m’invita à m’asseoir sur le canapé disposé entre les deux fenêtres. Je traversai la pièce comme dans un rêve et pris place sur le siège de velours brun avec un soulagement que je dissimulai derrière un sourire crispé. Même si mes jambes tremblantes me lâchaient, je ne m’effondrerais pas lamentablement sur le sol en face de lui.
Après une seconde d’hésitation, il vint me rejoindre sur le canapé - j’aurais pu le toucher en tendant la main vers lui - et il se tourna vers moi, attendant patiemment que je lui explique la raison de ma présence.
La gorge nouée, je gardai les yeux baissés de peur de croiser son regard et de perdre le peu de moyens qui me restait.
- Je… je sais que vous ne me connaissez pas, et vous… vous allez sans doute me prendre pour une folle, mais… balbutiai-je sans plus réfléchir, les mots s’échappant soudain de mes lèvres sans que je puisse les retenir malgré mon manque de pratique de la langue de Shakespeare. Je n’aurai sans doute jamais d’autre occasion et je, je… je ne veux pas me dire, dans quelque temps, que j’ai bêtement laissé passer ma chance.
« Je connais trop bien », ajoutai-je en moi-même, « le poids des regrets des occasions que l’on n’a pas eu le courage de saisir… »
Je levai finalement les yeux sur son visage pour observer sa réaction. Malgré l’incohérence de mes propos, il me regardait avec la même expression concentrée qu’il arborait toujours avant l’extinction des feux rouges.
Sentant une chaleur inopportune gagner mes joues sous ce regard pénétrant, je baissai à nouveau les yeux, les posant désespérément sur mes mains glacées.
- Oui ? répéta-t-il d’un ton interrogateur, cherchant visiblement à comprendre ce qui m’amenait.
Les mots restaient bloqués dans ma gorge, j’aurais voulu disparaître et oublier que j’étais venue jusqu’ici. Mais le démon qui s’amusait à mes dépens m’incita à poursuivre, se délectant de l’humiliation qui allait suivre.
- Ça va vous sembler ridicule, mais je… j’éprouve pour vous des sentiments qui… commençai-je d’une voix hachée par l’émotion. Je sais que je ne connais de vous que l’image que vous avez choisi de montrer, mais ce que je ressens n’a rien à voir avec l’admiration d’une midinette pour son idole ! C’est l’attirance d’une femme pour un homme, m’enflammai-je soudain, gardant obstinément les yeux baissés sur mes mains qui se crispaient, la chaleur gagnant progressivement le reste de mon visage.
À l’agonie, je poursuivis dans un souffle.
- Je suis amou…
Un doigt se posant sur mes lèvres me réduisit au silence. Je n’osai plus bouger. Il n’avait pas éclaté de rire devant ma stupide déclaration, un bon point pour lui, mais il n’avait toujours rien dit.
Le silence s’éternisa.
Était-il furieux, choqué, mal à l’aise, en colère, offensé ? Préparait-il une diatribe qui me crucifierait sur place ou cherchait-il une manière délicate de se débarrasser de moi ? Lever les yeux vers lui était au-dessus de mes forces.
Sa réponse, d’une voix mesurée, me prit par surprise.
- Savez-vous pourquoi, contrairement à certains de mes… collègues, je suis célibataire et aussi notoirement sans attache ?
Rendue muette par ce doigt qui frôlait toujours mes lèvres - pourquoi n’avait-il pas reposé sa main ? - je bougeai légèrement ma tête dans un geste de dénégation, appréhendant l’explication qui n’allait pas manquer de suivre. Allait-il briser toutes mes illusions et mes rêves futurs en m’annonçant qu’il était secrètement marié, ou épris d’une personne non disponible ? À moins qu’il ne prétende être en réalité attiré par les hommes ?
À cette idée, qui ne m’avait jamais effleurée auparavant, toute la chaleur déserta mon visage, me laissant plus glacée que si j’étais restée toute une journée dehors, en plein hiver.
- La manière dont je vis, dont nous vivons tous dans ce milieu, n’est que difficilement compatible avec une vie de couple épanouie. Rares sont ceux qui parviennent à gérer leur carrière et leur vie de famille sans que l’une ou l’autre n’en pâtisse, commença-t-il, sa voix gagnant en ferveur au fur et à mesure de son explication. Je refuse d’imposer une relation aussi épisodique à une femme. Le jour où je déciderai de m’investir dans une relation amoureuse, ce sera parce que celle que j’aime est plus importante à mes yeux que les titres ou les victoires. Elle aura la première place dans ma vie, parce que c’est aussi ce que j’aimerais être pour elle.
Un frisson me parcourut toute entière à cette déclaration digne d’une profession de foi. S’il était sincère, et curieusement je n’en doutais pas, l’image de lui véhiculée par les médias, pourtant déjà flatteuse, ne lui rendait pas justice.
J’osai enfin relever la tête et croisai son regard lumineux. Une flamme s’alluma en moi, brûlant ma réserve habituelle.
- Comment savez-vous que vous ne l’avez pas déjà croisée, cette femme que vous attendez ? Si vous refusez d’entamer la moindre relation, vous pourriez la laisser passer sans le savoir !
Il sourit.
Et ce sourire sur son visage habituellement austère modifia tellement son expression que je serrai les poings pour m’empêcher de tendre ma main vers lui, attirée par sa chaleur comme un papillon par une flamme.
- Je le saurais, fit-il avec simplicité, inconscient du maelström d’émotions qu’il provoquait en moi.
Le souffle court, j’étais à présent aussi incapable de le quitter des yeux que quelques instants plus tôt je l’étais de croiser son regard.
- Et si elle était prête à se contenter de ce que vous avez à offrir dès maintenant ? Prête à vous soutenir dans votre carrière ? Prête à se battre pour de nouvelles victoires, pour ce titre auquel elle aspire autant que vous, pour vous ?
- Alors je serais l’homme le plus chanceux du monde.
Cette même évidence dans sa voix.
- Mais vous ne parlez plus d’une personne hypothétique, me fit-il remarquer. L’amour ne se commande pas.
Je soupirai. Je ne pouvais qu’être d’accord avec lui.
- Non, l’amour ne se commande pas… murmurai-je pour moi.
Je ne pouvais choisir de ne plus ressentir ce que j’éprouvais pour lui. Il enflammait mes rêves depuis trop longtemps. Je réalisai soudain que ce qui m’avait amenée jusqu’à sa porte n’était pas le besoin irrépressible de lui avouer mes sentiments, mais l’espoir que son comportement annihilerait ces sentiments. J’aurais dû savoir que c’était perdu d’avance.
Le silence s’installa à nouveau, d’une texture différente.
Une fois de plus je baissai les yeux, pour ne pas lire la compassion dans le regard qu’il posait sur moi. Je ne pouvais supporter sa pitié. J’aurais voulu qu’il pose les yeux sur moi et tombe éperdument amoureux au premier regard ! Comment pouvais-je être encore aussi naïve à mon âge ? La vie n’est pas un conte de fée…
Je me levai, prête à partir, à m’enfuir. Sa main se posa sur mon bras nu pour me retenir, envoyant une décharge dans tout mon corps.
- J’aimerais rencontrer une femme telle que vous la décrivez, avoua-t-il, se levant à son tour.
- Je vous le souhaite…
Mes mots n’étaient qu’un souffle à peine audible devant ce vœu sincère mais tellement douloureux. Sa main remonta lentement le long de mon bras, légère, laissant une trace de feu sur son passage. Tétanisée, ayant l’impression de me consumer de l’intérieur, mes pensées se bousculaient dans ma tête, incohérentes.
- Elle aurait sans doute beaucoup à perdre, à offrir son amour ainsi, remarqua-t-il d’un ton faussement détaché.
- Beaucoup à gagner aussi…
Je ne reconnaissais plus ma voix, assourdie par les battements de mon cœur qui s’affolait, tandis que sa main, toujours légère, quittait mon bras pour repousser délicatement une mèche de cheveux tombée devant mes yeux, s’attardant sur mon visage.
- Elle n’aurait aucune certitude quant à l’avenir ; le danger et la notoriété deviendraient ses compagnes, l’une comme l’autre sont parfois très lourdes à supporter et l’amour n’y survit pas toujours.
Sa voix beaucoup moins indifférente à présent, comme s’il retenait son souffle. Sa main qui descendait le long de mon visage, effleurant ma tempe, ma pommette, la courbe de ma joue, l’arrondi de mes lèvres entr’ouvertes.
- Je serais prête à courir ce risque…
Un murmure frémissant.
Sa main qui relevait doucement mon visage, tandis que le sien descendait à ma rencontre. Son regard où brillait une étincelle qui n’était pas présente quelques instants plus tôt. Sa bouche qui s’approchait de la mienne, promesse d’un peut-être inespéré. Son souffle chaud qui caressait ma peau à la sensibilité exacerbée dans l’attente…
Ses lèvres qui se posaient sur les miennes, dans une explosion de tout mon être.
La certitude d’avoir enfin trouvé mon havre de paix.

 

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13 mars 2014

Abécédaire migraineux

Sujet imposé : écrire un texte de 26 lignes dont chacune commence par une lettre de l’alphabet dans l’ordre
Sur une idée de Léa


Autour de moi, le monde se dissout lentement dans un
 Bruyant silence qui m’oppresse.
  Comme à chaque fois, je la sens rôder à la lisière de ma conscience,
   Désireuse d’enfoncer ses griffes dans ma chair.
    Elle s’approche, sûre de sa victoire.
     Faible je suis face à elle…
      Gémissante, je sombre, m’effondre, m’isole de ce
       Halo lumineux qui me transperce et précipite ma chute.
        Il est déjà trop tard.
         Je ne suis plus que battements de cœur dans mes tempes,
          Karaoké discordant que mes lèvres sèches murmurent sans fin.
           Lovée sur le canapé, la tête sous un coussin, le
            Monstre me terrasse.
            Noyée dans cette douleur qui vrille mon cerveau
           Où le moindre rayon lumineux peut m’anéantir.
          Pilule ou cachet, huile essentielle ou homéopathie,
         Que m’importe dans mon agonie ?
        Rien ne peut me soulager.
       Silence total et obscurité sont mes derniers espoirs.
      Tout ce qui m’entoure devient une agression,
     Un ronronnement assourdissant, un craquement lointain font
    Voler en éclats ce qui me rattache encore au réel, tel un
   Wagon fou lancé à pleine vitesse vers le chaos.
  X est l’inconnue de mon équation personnelle, molécule qui erre dans mes veines.
 Y a-t-il encore une chance pour que la crise ne fasse que passer dans cette
Zone sinistrée qu’est mon crâne ?

 

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1 mai 2014

Réflexions littéraires

Une idée un peu folle qui m’est passée par la tête et refuse d’en sortir, suite à des réflexions personnelles sur ma lecture actuelle, Cinquante nuances de Grey

Pourquoi les histoires d’amour passionnées (pour employer un doux euphémisme) semblent-elles toujours se dérouler dans un monde où l’argent est omniprésent ? Ne peut-on connaître cette passion, cet embrasement des sens loin de l’aisance financière ?
Je ne suis pas d’accord.
J’ai bien conscience que pour faire rêver les lecteurs, enfin surtout les lectrices, un riche et ténébreux homme d’affaires est plus approprié qu’un banal garagiste qui a les mains dans le cambouis toute la journée, ou un simple vendeur en pharmacie qui voit défiler les clients toute la journée, ou encore… Bref, vous m’avez comprise.
Pourtant, je suis persuadée que ce n’est pas une composante essentielle d’une histoire d’amour torride. Et l’envie de le prouver me démange !
Vous voyez où je veux en venir ?

Quelle est votre opinion sur le sujet ?
N’hésitez pas à me faire part de vos réflexions, que ce soit pour commenter ce que vous inspirent ces histoires, mon idée un peu folle, pour partager le titre d’un roman qui s’éloigne du « modèle standard »… ou simplement discuter.

 

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24 juillet 2014

Balade en nostalgie

La salle d’attente est déserte.
Assise dans un fauteuil de toile rouge, elle contemple d’un œil indifférent les magazines éparpillés sur la table basse. Avec lassitude, elle appuie sa tête contre le mur couleur pêche, ferme les yeux.
Par la fenêtre ouverte, les accords discordants d’une fanfare lui parviennent. « C’est vrai », songe-t-elle avec un imperceptible soupir, « la fête de la musique est ce soir. »
La fatigue de ces dernières semaines se fait sentir. Dormir, oublier les soucis l’espace d’un instant. Elle se laisse bercer par la musique vaguement familière, cherche en vain à reconnaître le morceau.
Une image se forme dans sa tête, un souvenir qu’elle croyait oublié.
Elle se secoue intérieurement, refuse de se laisser entraîner dans cette direction. Mais le souvenir s’accroche, refuse de retourner dans sa mémoire, dans le coffret dans lequel elle le tient enfermé depuis des années.
Pourquoi maintenant, dans cette salle d’attente anonyme ?
La chaleur de ce premier jour de l’été l’enfonce dans une torpeur hypnotisante. Sa résistance faiblit. Toute digue rompue, elle finit par se laisser emporter par la vague qui déferle sur elle.

~~~~~

C’était le jour de son vingtième anniversaire.
Depuis le matin elle s’activait, passait mentalement en revue tous les détails. Elle avait fait provision de petits gâteaux sucrés et salés pour le buffet ; le réfrigérateur regorgeait de jus de fruits et autres sodas. Son ami Stéphane, spécialiste en cocktails maison, était chargé d’apporter les bouteilles d’alcool. Il lui donnerait un coup de main pour déplacer les meubles et installerait lui-même la sono dans l’après-midi.
Dans sa chambre d’enfant, posée sur son lit, la tenue qu’elle porterait ce soir. Une courte robe charleston pourpre agrémentée de rangées de franges plus claires qu’elle avait elle-même soigneusement cousues.
Armée d’un balai, elle s’attaqua au ménage du sous-sol sous le regard bienveillant de sa mère. Elle lui était reconnaissante de lui permettre de fêter son anniversaire en compagnie de tous ses amis ailleurs que dans le minuscule studio dans lequel elle logeait depuis qu’elle avait quitté la maison.
Elle s’assit un instant sur la balancelle, posa un regard critique sur le sol de béton, les murs de parpaings nus. Le cadre n’était pas somptueux, mais que lui importait ?

Les heures défilèrent plus vite que prévu.
En compagnie de quelques amis, elle termina les préparatifs, accrocha la boule à facettes au plafond, fit des essais avec les spots lumineux. Derrière un vieil établi de bois brut, Stéphane vérifiait les branchements de la chaîne hi-fi tandis que Florent, son meilleur ami, passait en revue les cd entreposés dans un carton. À l’autre bout de la pièce, Cathy disposait des gobelets en plastique et des serviettes en papier colorées sur la table qui servirait de buffet.
- J’ai terminé, annonça-t-elle en revenant vers les autres. On mettra ce qui se mange au dernier moment. Tu as prévu quoi en plus des gâteaux apéritifs ?
- J’ai préparé une grosse salade de pâtes, des chips, des cubes de fromage… et Delphine a dit qu’elle apporterait une tarte.
- Il y a le gâteau d’anniversaire aussi, ajouta Florent, les yeux pétillants, mais tu n’es pas censée être au courant.
- Je n’ai rien entendu, rit-elle.
- Au fait, j’ai proposé à un pote du club cyclisme de venir, intervint Stéphane.
- Oh… Je le connais ?
- Je ne pense pas. Je l’ai croisé hier en ville, il n’a pas trop le moral en ce moment. Je me suis dit que ça lui changerait les idées. Tu verras, il est sympa.
- Ok, pas de problème. Une personne de plus ou de moins, ça ne fera pas de différence.
S’approchant d’elle, Florent passa un bras autour de sa taille et la fit tourbillonner dans la pièce avant de déposer un baiser amical sur sa joue.
- On a terminé, il ne reste plus à la reine de la soirée qu’à se préparer !
Elle sourit, heureuse.
- Je rentre me changer moi aussi, fit Cathy en attrapant son manteau posé sur la balancelle. J’espère qu’on n’aura pas froid avec nos robes légères.
- Tu aurais peut-être dû choisir le grand nord comme thème de la soirée, plutôt que les années 20, la taquina Stéphane.
Ils éclatèrent de rire, amusés à l’idée d’une soirée en parka et bottes fourrées.
- Maman a un vieux radiateur électrique, je vais le brancher en attendant le début de la soirée histoire de réchauffer un peu la pièce.
- Ne t’inquiète pas, quand on sera une vingtaine à se trémousser sur la piste de danse, on n’aura pas froid, la rassura Florent.
- À tout à l’heure, la salua Cathy en sortant par la porte du garage, bientôt imitée par Stéphane.
Restée seule avec son meilleur ami, elle l’entraîna à l’étage et l’envoya prendre sa douche tandis qu’elle vérifiait une nouvelle fois qu’elle n’avait rien oublié, avant de descendre brancher le radiateur. Il faisait encore froid pour une mi-février.

Le temps s’accéléra à nouveau et elle se retrouva dans sa chambre.
Nonchalamment allongé sur le lit dans un costume noir, un chapeau de feutre assorti posé à côté de lui, Florent la conseillait pour les touches finales de sa tenue.
- Fais voir avec l’autre collier, lui suggéra-t-il en lui tendant un sautoir en fausses perles.
Docilement, elle enfila le long collier et le noua au niveau de sa poitrine avant de se tourner vers son ami.
- Non, fit-il finalement, je préfère le tour-de-cou, ça te va mieux.
Elle soupira en ôtant le bijou.
- Pourquoi j’ai choisi ce thème ridicule ? Je n’y connais rien et ça ne me ressemble pas du tout, s’énerva-t-elle en se désignant du doigt.
- Arrête, tu es superbe, la rassura son meilleur ami, se levant du lit.
D’une main, il attrapa le tour-de-cou en tissu soyeux posé sur la commode et l’attacha délicatement autour du cou de la jeune femme.
- Allez, regarde-toi, dit-il en l’attirant devant le miroir qui ornait la porte de la chambre.
Avec toute la mauvaise volonté dont elle était capable, elle contempla son reflet, cherchant à reconnaître l’inconnue qui la dévisageait.
Ses courts cheveux bruns habituellement ébouriffés étaient artistiquement coiffés en boucles légères dont l’une retombait presque négligemment au coin de l’un de ses yeux, lui donnant un air mutin. Ses grands yeux sombres ombrés de noir ressortaient sur sa peau pâle. Une touche de brillant sur ses lèvres, assorti à sa robe, lui donnait envie de tenter une moue boudeuse pour vérifier si elle était bien toujours elle.
La robe à fines bretelles, réalisée sur mesure par sa mère, mettait en valeur ses formes féminines et lui descendait à mi-cuisses. Les franges dont elle était ornée se balançaient harmonieusement à chacun de ses mouvements. Ses jambes gainées de bas noir et les escarpins qui les accompagnaient affinaient sa silhouette.
- Il ne me manque plus que le long porte-cigarette et une plume dans les cheveux, ironisa-t-elle pour dissiper le trouble qui l’avait saisie devant ce reflet qu’elle ne reconnaissait pas.
- Je ne vois pas ce que tu ferais d’un porte-cigarette, tu ne fumes pas, remarqua Florent. Mais je t’ai apporté ça pour les plumes, ajouta-t-il en lui tendant un boa noir qu’il déposa sur ses épaules.
- Où tu as trouvé ça ? s’exclama-t-elle, surprise.
Il sourit.
- Je l’ai emprunté à une amie de ma mère qui bosse dans un théâtre.
Un bruit de musique assourdi leur parvint soudain. Au sous-sol, les festivités avaient commencé.
- Prête ?
- Je suppose que je n’ai pas le choix, soupira-t-elle, mal à l’aise dans cette tenue qui lui ressemblait si peu - elle était plus familière des jeans et des larges pulls - mais bien décidée à profiter de sa soirée d’anniversaire.
Lui souriant pour l’encourager, Florent se coiffa du chapeau posé sur le lit et l’entraîna par la main vers l’escalier qui descendait au sous-sol, claironnant d’une voix forte « Place à miss Charleston, la reine de la soirée ! »

Le sous-sol résonnait de musique et de conversations animées quand Stéphane délaissa un moment les platines pour s’approcher d’elle. Il posa une main sur son bras pour attirer son attention.
- Le copain dont je t’ai parlé est arrivé. Tu viens le saluer ?
- J’arrive.
Avec un sourire, elle s’excusa auprès de son petit ami et suivit le jeune homme près de la porte du garage.
- J’aurais peut-être dû te prévenir, hésita ce dernier à voix basse. Il est un peu plus âgé que nous.
- Un peu ? Il a quoi, vingt-trois, vingt-quatre ans ? Ou il est plus près de la retraite ?
Stéphane rit.
- Non, quand même pas. Il approche de la trentaine. Et il est marié.
- Sa femme n’est pas venue avec lui ? s’étonna-t-elle.
- Non, c’est justement pour ça qu’il n’a pas trop le moral. Enfin, c’est un peu compliqué.
« Un homme à problèmes », songea-t-elle sans s’attarder sur la question. « J’espère qu’il ne va pas plomber l’ambiance de la soirée. »
Stéphane s’arrêta devant un homme qui leur tournait le dos, occupé à ôter son manteau.
- Salut, content que tu sois venu, fit-il en lui tendant la main. Voici l’amie qui organise la soirée.
- Bonsoir, répondit ce dernier, avant de se tourner vers elle. Merci pour l’invitation. Stéphane m’a dit que c’était ton anniversaire, je t’ai apporté un petit quelque chose, ajouta-t-il en lui tendant un paquet de petite taille. Au fait, je m’appelle Hugues.
Un frisson la parcourut. Sans doute la porte du garage était-elle restée entr’ouverte.
- Les amis de mes amis sont les bienvenus, l’accueillit-elle d’un sourire. Et merci pour le cadeau, il ne fallait pas te sentir obligé.
Levant la tête vers lui, elle croisa soudain le regard le plus bleu qu’elle ait jamais vu. Les mots qu’elle s’apprêtait à prononcer s’étranglèrent dans sa gorge.
- Je n’allais pas venir les mains vides, déjà que tu ne me connais pas, protesta-t-il avec chaleur.
Puis il lui sourit. Et le monde s’arrêta de tourner.
Une éternité de quelques secondes à peine.
- Donne, je vais le mettre avec les autres, proposa Stéphane, rompant la magie de l’instant.
- Hein ?
- Le paquet, je vais le mettre avec les autres.
- Oh… euh… oui, merci, balbutia-t-elle, incertaine quant à ce qui venait de se passer.
- Salut, résonna la voix de son petit ami tandis que son bras se posait sur ses épaules.
Il tendit la main au nouveau venu pour se présenter.
- Moi c’est Robert.
- Hugues.
Les deux hommes se serrèrent la main et la soirée reprit ses droits.

Les heures filèrent à nouveau.
Elle avait dansé, s’était amusée, avait soufflé les bougies du gâteau au chocolat et ouvert les cadeaux de ses amis. Une des plus belles soirées de sa jeune vie.
Saisissant le prétexte de débarrasser le buffet de la vaisselle sale, elle s’offrit quelques instants de pause dans l’effervescence ambiante. La musique lui parvenait atténuée tandis qu’elle jetait assiettes en carton et serviettes en papier dans un grand sac poubelle.
Après s’être lavé les mains à l’évier de la buanderie, elle s’appuya contre le mur et ferma les yeux, savourant ce moment de solitude.
- Je te dérange ? prononça une voix masculine.
Un frisson descendit lentement le long de sa colonne vertébrale. Elle savait qui venait de la rejoindre sans avoir besoin d’ouvrir les yeux. Elle les ouvrit néanmoins et croisa à nouveau le regard si bleu.
- Non, tu ne me déranges pas.
Il s’approcha pour n’être plus qu’à quelques pas d’elle.
- Je voulais te remercier pour l’invitation un peu forcée, sourit Hugues.
Son cœur manqua un battement. Elle l’ignora.
- Tu as passé une bonne soirée ? s’enquit-elle en se redressant.
- Oui, c’était… juste ce dont j’avais besoin.
Un éclair de souffrance traversa si rapidement son regard qu’elle se demanda si elle n’avait pas rêvé.
- Merci pour le coquillage, il est très beau, s’enthousiasma-t-elle sincèrement, faisant allusion au cadeau qu’il lui avait offert. Et ça change des bouquins et des cd.
- Je ne savais pas trop quoi apporter à quelqu’un que je ne connais pas… encore. Je l’ai ramené des Antilles.
Une douce chaleur la gagna tandis qu’elle s’efforçait d’ignorer le sous-entendu.
- Tu es allé aux Antilles ?
- J’y étais en vacances, je suis rentré depuis une semaine.
- Ah, c’est pour ça que tu es si bronzé en plein hiver !
- Oui, rit-il.
Son cœur fit un saut périlleux dans sa poitrine. Elle résista aux idées folles qui lui passaient soudain par la tête.
- Bon… et bien… commença-t-il, hésitant.
Les premières notes d’un slow des années soixante-dix se glissèrent jusqu’à eux depuis la piste de danse, emplissant le silence.
- Tu as dansé avec presque tout le monde ce soir, remarqua-t-il. Tu veux… ?
La chaleur qui l’habitait se répandit dans tout son corps.
- Ici ? réussit-elle à demander, la gorge nouée.
Il acquiesça silencieusement, lui tendant une main. Sans réfléchir, elle s’approcha de lui et posa la sienne sur son épaule. Sentit ses bras qui entouraient sa taille et l’attiraient contre lui.
Comme plus tôt dans la soirée, le temps sembla suspendre son vol.
Ils n’échangèrent pas un mot, il n’en était nul besoin.
Et lorsqu’ils se séparèrent quelques minutes plus tard, il déposa un baiser léger sur sa joue avant de s’éloigner sur un « Merci, au revoir… »

Cette fois, le temps accéléra sa course et la transporta dans un autre souvenir, une autre soirée d’anniversaire, trois mois plus tard.
Elle avait quitté l’entreprise dans laquelle elle était en stage plus tard que prévu et ça avait été la course pour rentrer chez elle. Sauter dans le train, regagner son minuscule studio, prendre une douche, se préparer et reprendre les transports en commun pour arriver à l’heure chez son ami Stéphane, qui profitait de l’absence de ses parents pour fêter ses vingt-et-un ans.
Elle s’était tellement dépêchée qu’elle était finalement la première arrivée parmi leurs amis communs.
Dans un coin du salon, des camarades de classe de Stéphane discutaient entre eux, ignorant sa présence. Désœuvrée et mal à l’aise, elle s’approcha de la bibliothèque et commença à déchiffrer les titres des ouvrages pour passer le temps, regrettant de n’avoir pu se joindre à ceux qui arriveraient ensemble un peu plus tard.
La sonnette de l’entrée retentit. Elle entendit Stéphane délaisser la préparation de cocktails pour aller ouvrir la porte et accueillir un autre de ses invités.
La voix masculine qui lui répondit la fit frissonner de la tête aux pieds malgré la chaleur.
D’un geste machinal, elle lissa la robe bleu marine à fleurs qu’elle portait ce soir, se félicitant intérieurement d’avoir revêtu une tenue féminine et non la tunique et le pantalon large qu’elle avait initialement prévus.
La porte du salon s’ouvrit et Hugues pénétra dans la pièce.
Elle ne l’avait pas revu depuis trois mois, s’était efforcée de ne pas penser à lui, à ce trouble qu’elle avait ressenti en sa présence. Et il était à nouveau en face d’elle. Elle l’observa discrètement.
D’une taille moyenne, il avait des cheveux châtain coupés courts, un visage amical dans lequel brillaient des yeux d’un bleu intense. Tout dans son allure dénotait le sportif qui aimait prendre soin de sa forme physique. Ce soir, il était vêtu d’un jean et d’une chemise blanche dont le col était entr’ouvert.
Depuis l’entrée du salon, Hugues parcourut la pièce des yeux et son regard s’illumina lorsqu’il aperçut la jeune femme solitaire près de la bibliothèque. Sans hésiter, il se dirigea vers elle.
- Bonsoir, lui glissa-t-il chaleureusement avant de l’embrasser amicalement.
Sa joue la picota là où ses lèvres s’étaient posées sur sa peau. Elle ignora le frisson qui la parcourut au son de sa voix chaude.
Elle le salua en retour, incapable de dissimuler l’étincelle de plaisir qui s’était allumée dans ses yeux.
- Tu es là depuis longtemps ? lui demanda-t-il.
- Une dizaine de minutes. J’avais hâte de voir un visage connu, avoua-t-elle.
- Ils ne sont pas venus te parler ? s’étonna-t-il, regardant les garçons qui continuaient de discuter entre eux en les ignorant.
- Non, je ne les connais pas.
- Tant mieux ! s’exclama-t-il, la surprenant. Comme ça, on pourra parler rien que tous les deux.
Son cœur fit un bond dans sa poitrine. Elle se força à penser à Robert, son petit ami qui la rejoindrait un peu plus tard dans la soirée. À ce que Stéphane lui avait raconté sur les fameuses complications de la vie d’Hugues : marié depuis plusieurs années, une femme enceinte dont il s’était éloigné, une maîtresse à peine majeure. Le cliché dans toute sa splendeur.
Pourtant, quand elle le regardait, elle ne voyait qu’un homme qu’elle avait envie de connaître, un homme qui l’attirait dangereusement. Un homme que sa conscience lui criait de fuir.
Elle musela sa conscience et suivit son cœur. Juste pour quelques minutes. Pour une soirée.
Et de confidences innocentes en propos légers, ils avancèrent irrémédiablement sur le chemin de l’amitié, avec cette impression de se connaître depuis toujours.

Un nouveau bond en avant l’emporta en fin de soirée.
Dans le fond de la pièce, un peu à l’écart, un coin salon avait été aménagé. Assise sur l’accoudoir du fauteuil dans lequel Robert avait pris place, son bras à lui passé autour de sa taille à elle, elle écoutait les conversations sans y prendre part.
Le jeune homme était arrivé à la fête en boitant et elle avait été navrée d’apprendre qu’il s’était blessé au genou sur son lieu de travail. Il semblait moins souffrir depuis qu’il était confortablement installé, mais elle n’avait pu s’empêcher de lui demander pourquoi il s’était imposé une route fatigante dans son état, plutôt que de rester au calme chez lui avec une poche de glace sur l’articulation. « Pour être avec toi », lui avait-il répondu.
Désarmée par cette preuve d’amour, elle avait passé la plus grande partie de la soirée avec lui. Mais derrière l’affection qui avait motivé sa décision, se terrait la culpabilité de cette attirance qu’elle ne pouvait ignorer, qu’elle ne désirait ignorer. Qui sonnait peut-être le glas de sa relation avec le jeune homme.
Depuis sa position en retrait, elle avait observé l’évolution de la soirée, les invités qui se pressaient autour du buffet, ceux qui évoluaient sur la piste de danse improvisée, les couples qui s’isolaient pour flirter gentiment.
Malgré ses efforts pour ne pas regarder dans une certaine direction, elle n’avait pu s’empêcher d’apercevoir la jeune fille brune, sûre d’elle et au corps délié, qui n’avait pas quitté Hugues d’une semelle depuis son arrivée, s’affichant sans vergogne avec un homme que la plupart ici savaient marié.
Elle ne ressentait aucune jalousie - de quel droit en aurait-elle ressenti ? - mais une petite voix dans sa tête lui parlait de curiosité malsaine et elle avait détourné les yeux.
Des chansons lentes succédèrent aux rythmes endiablés, incitant les couples à se former sur la piste. Elle se pencha vers son petit ami.
- Tu crois que tu pourrais danser un slow ? Sans trop bouger.
- Je ne crois pas, grimaça-t-il. Pas si je veux pouvoir conduire pour rentrer chez moi. Mais vas-y, toi ! Tu as passé toute la soirée à côté de moi, tu peux bien t’amuser un peu.
- Il a raison, s’immisça Florent, la prenant par la main pour l’entraîner sur la piste de danse. Allez, viens !
Après un regard vers Robert qui l’encouragea d’un sourire à accepter, elle suivit son meilleur ami dans l’autre partie de la pièce et se laissa porter par la musique.
Mais lorsque les premières notes de « Stairway to Heaven » de Led Zeppelin retentirent, elle s’éloigna dans un coin sombre de la pièce. Elle n’avait pas écouté cette chanson depuis trois mois, depuis sa soirée d’anniversaire, et elle ne voulait en rien gâcher le souvenir qu’elle en conservait.
Il n’y avait qu’une seule personne avec qui elle désirait partager à nouveau les huit minutes et quelques de ce morceau… et tout en elle lui criait qu’il n’était pas pour elle.
Elle ferma les yeux.
Quand elle les rouvrit, il était devant elle et la chaleur de son regard la brûla. Sans rien dire, il prit sa main et la mena au milieu des autres couples qui dansaient.
La tête posée sur son épaule, ses mains autour de sa taille, son souffle dans ses cheveux, l’odeur virile de sa peau, leurs deux cœurs qui battaient à l’unisson, un peu trop vite… Ces mots chuchotés à son oreille… « Il n’y a personne d’autre avec qui j’aurais voulu passer ce moment… »

~~~~~

La scène sembla se diluer dans un tourbillon de couleurs et d’émotions, le passé laissant place au présent.
La salle d’attente est toujours aussi déserte et la musique de la fanfare s’est éloignée.
Une larme roule sur la joue. Elle n’a rien oublié, ni l’émotion de ces moments, ni tout ce qui a suivi. La souffrance est tenace.

 

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2 août 2014

Agatha Christie

19 août 2014

Il était une fois...

Il était une fois une femme.
Une femme tellement discrète que personne ne la remarquait jamais. Elle aurait pu être un courant d’air, personne ne s’apercevait jamais de sa présence, ou de son absence. Depuis le jour de sa naissance, tout le monde s’était comporté avec elle comme si rien en elle n’était digne d’intérêt. Bien sûr, elle n’avait aucune confiance en elle. Comment aurait-elle pu croire qu’elle avait des trésors à offrir ?
Pour combler ce vide en elle, elle se réfugiait dans son monde imaginaire, s’inventait une famille aimante, des amis qui l’acceptaient, un talent créatif qui serait un jour reconnu, un amour qui saurait voir au-delà des apparences. Fantasme chimérique, inaccessible.
Le chemin de sa vie était pavé d’espoirs déçus, de désillusions dans sa quête du bonheur. Parce que forcément, le bonheur n’était pas pour elle. La solitude et les échecs étaient ses compagnons de route. La flamme fragile qui brûlait en elle peinait à ne pas s’éteindre, une fois déjà elle avait été réduite à une minuscule étincelle, à deux doigts de disparaître.
Pourtant elle était encore là, si fragile que le moindre souffle pourrait la briser.

Les années passaient, insensibles à sa peine.
Elle ne vivait pas, se contentait d’exister. Seuls ses rêves continuaient de lui parler de ce désir secret qui brûlait en son cœur, comme un rêve fou. Sa raison n’y croyait pas, mais à quoi bon empêcher son âme de s’illusionner ? C’était tout ce qui lui restait, ses rêves, ses fantasmes.
Elle était une âme éprise de liberté emprisonnée dans un monde stigmatisant la différence. Un corps vibrant du désir d’aimer et d’être aimé, sa sensualité étouffée par la solitude.
Mais elle savait que personne ne viendrait jamais la sauver. Et elle était incapable de se sauver elle-même. Alors elle bâtissait des romans sur une rencontre, un frisson. Que lui restait-il d’autre ? Elle était tellement déconnectée de la réalité, de ces contacts humains qu’elle redoutait tout en les désirant.
Parfois, un rien suffisait à allumer un brasier dans son âme, dans son corps. Une voix. Un sourire. Parce que le manque était tel qu’elle aurait été prête à se jeter dans les flammes rien que pour se sentir en vie. Parce qu’il fallait que l’espoir renaisse pour que la désillusion soit plus cruelle. Mais toujours elle se leurrait. Comment quelqu’un aurait-il pu la remarquer ?
Elle n’était rien, elle n’existait même pas.

 

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6 février 2015

Il n'existe pas de moment idéal pour débuter une

Il n'existe pas de moment idéal pour débuter une relation.
Des complications il y en a toujours, ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas se jeter à l'eau.
Et j'emmerde le destin qui s'amuse à nous mettre des bâtons dans les roues !
Je ne renoncerai pas.

Amoureuse... 

 

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